Les cassettes d’Angèle Vannier – de l’archive à la création

Création radiophonique, recherches et constitution d’un fonds, à partir des archives sonores d’Angèle Vannier (1917-1980), poétesse et femme de radio

Angèle Vannier au magnéto dans les années 1970 – collection de Myrdhin / crédit photo : droits réservés

« Je n’ai pas jamais vu plus beau visage que sa voix », c’est le récit de notre rencontre avec la poétesse, aveugle et femme de radio Angèle Vannier, et de la découverte de ses archives sonores : ses émissions de radio et les nombreuses cassettes sur lesquelles elle s’enregistrait. Nous enregistrons à notre tour. Au fil d’une succession de tableaux passés et présents, un dialogue s’installe, rythmé par le souffle du magnétophone et le son de l’horloge : cela crée des interférences, des échos, nous jouons à colin-maillard avec le magnéto.» Jeanne et Anne

Jeanne L’Hévéder et Anne Kropotkine ont entamé en 2022 un travail de création autour des archives sonores d’Angèle Vannier qui aboutit à :
– la création d’un documentaire radiophonique diffusé à France Culture, le 22 juin 2024, à 21h dans l’émission L’Expérience ;
– la constitution d’un fonds Angèle Vannier aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, sous l’impulsion de Micro-sillons, avec le soutien du Département d’Ille-et-Vilaine ;
– une exposition sur les archives d’Angèle Vannier (cassettes, photos, scripts d’émissions, carnets, etc.) qui circule dans divers lieux : aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (Journées du patrimoine et du matrimoine 2023) et dans le réseau des bibliothèque de Couesnon – Marches de Bretagne (médiathèques de Bazouges-la-Pérouse et de Maen Roch) d’octobre 2024 à janvier 2025 ;
– des ateliers de création sonore dans les collèges Angèle Vannier (Maen Roch) et Pierre Perrin (Tremblay) durant l’année 2024-2025 ;
– et des écoutes publiques du documentaire radiophonique durant l’année 2024-2025.

Avec le soutien du département d’Ille-et-Vilaine, de France Culture, du Ministère de la Culture (aide sélective aux autrices et auteurs de podcasts et de créations radiophoniques), de Superflux, Voir l’art se faire, et de Micro-sillons.

Cassettes d’Angèle Vannier – collection de Nicole Laurent-Catrice / crédit photo : Anne Kropotkine

Jeanne et Anne rassemblent une centaine de cassettes d’Angèle Vannier, inédites, dispersées chez ses proches. Sur ces cassettes, elles découvrent la voix singulière et captivante d’Angèle Vannier : ses brouillons et ses expérimentations poétiques, ses extraits de journal et de correspondance, ses répétitions de récitals, des musiques ou encore ses entretiens à la radio.

Née le 12 août 1917, à Saint-Servan, en Bretagne, Angèle Vannier passe une grande partie de sa vie au Châtelet, une grande demeure à Bazouges-la-Pérouse au nord de Rennes.
Elle perd la vue à l’âge de 21 ans et tout son univers poétique découle de cette « entrée dans la nuit ». Angèle Vannier se nomme elle-même « femme-parole » et appréhende sa poésie de manière très orale.
Après-guerre, elle se fait remarquer dans les milieux littéraires parisiens, notamment grâce aux poètes Théophile Briant et Paul Éluard. Ses poèmes sont publiés chez Seghers, Rougerie… Elle écrit des chansons comme Le Chevalier de Paris (interprétée par Édith Piaf, Catherine Sauvage ou encore Frank Sinatra) et elle donne de nombreux récitals en Europe (Belgique, Suisse, Allemagne, Turquie…). Elle produit également une centaine d’émissions poétiques, notamment des lectures de poèmes théâtralisées mêlant musique concrète et psychédélique (RTF, France Culture, Radio Bretagne, Radio Lausanne…). Parmi ses émissions sur la Radio Télévision Française puis sur France Culture, on peut citer : La planète aux chansons (1951), Poètes et planètes (1955), Le sang des nuits (1967), Espaces d’autres transparences (1969) ou encore Chroniques du sommeil (1970).

Après un long séjour à Paris, elle revient vivre en 1973 dans la maison de son enfance à Bazouges-La-Pérouse. Dans la “salle” de cette demeure, Angèle Vannier fabrique, à l’aide d’un ou de plusieurs magnétophones, des montages sonores, qui participent à l’éclatement de sa poésie. 
Elle meurt le 2 décembre 1980, au Châtelet, à l’âge de 63 ans.

Si Angèle Vannier a connu ses heures de gloire dans les années 1950 et 1960, son œuvre, son nom et sa voix ont été largement oubliés, lors de ces dernières décennies.
Grâce à l’exploration d’archives inédites ou inexplorées, et aux témoignages de ses proches, cette création sonore tente de faire revivre l’univers et la poésie d’Angèle Vannier, et d’interroger sa pratique radiophonique.
C’est donc une histoire d’archives, de magnéto, de poésie et de radio. C’est aussi une histoire de matrimoine et de transmission.

– Un grand merci aux personnes interviewées ainsi qu’à toutes les personnes qui ont accompagné le processus de création sonore et la constitution du fonds Angèle Vannier aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

Jeanne L’Hévéder, Jeannine Barbé et Anne Kropotkine à Bazouges-La-Pérouse, avril 2024, près du Châtelet, ancienne demeure d’Angèle Vannier / crédit photo :  thomascrabot.com  

Article dans le Magazine Nous, Vous, Ille n°144, juin-juillet-août 2024.